Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/230

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représentaient les feux de la canicule, les neiges de l’hiver, les teintes foncées de l’automne ; et l’agréable verdure du printemps[1]. D’autres les faisaient venir des élémens, et non des saisons ; ils voulaient que la lutte du vert et du bleu figurât la lutte de la terre et de l’océan ; que leurs victoires respectives annonçassent une récolte abondante ou une navigation heureuse : et ainsi les mutuelles hostilités des cultivateurs et des marins étaient, à quelques égards, moins absurdes que l’aveugle fureur du peuple de Rome, qui dévouait sa vie et sa fortune à la couleur qu’il adoptait. [À Rome.]Les princes les plus sages dédaignèrent et favorisèrent cette folie ; mais les noms de Caligula, de Néron, de Vitellius, de Verus, de Commode, de Caracalla et d’Héliogabale, furent inscrits sur la liste, soit des Bleus, soit des Verts : ils fréquentaient les étables de leur faction, applaudissaient à ses favoris, châtiaient ses antagonistes, et méritèrent l’estime de la populace par leur penchant ou leur affectation à adopter ses goûts et ses habitudes.

  1. Les Albati, les Russati, les Prasini et les Veneti, représentent les quatre saisons, selon Cassiodore (Var., III, 51), qui emploie beaucoup d’esprit et d’éloquence pour expliquer ce prétendu mystère. Les trois premiers mots peuvent être rendus par les Blancs, les Rouges et les Verts. Celui de Venetus équivaut, dit-on, à Cæruleus, qui a des acceptions diverses, et qui est vague. Il signifie proprement la couleur du ciel réfléchi dans la mer ; mais la nécessité et l’usage obligent d’employer ici le mot de bleu comme un terme équivalent. Voyez Robert Étienne, sub voce, et Spence, Polymetis, p. 228.