Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/232

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Les dissensions populaires, fondées sur les intérêts les plus sérieux, sur les prétextes les plus saints, ont rarement égalé l’obstination de cette discorde, qui bouleversa des familles, divisa les amis et les frères, et excita les femmes, quoiqu’on ne les vît guère dans le cirque, à épouser les inclinations de leurs amans, ou à contrarier les inclinations de leurs maris. On foula aux pieds toutes les lois divines et humaines ; et tant que l’une des factions était victorieuse, ses aveugles partisans paraissaient ne pas s’embarrasser de la misère individuelle ou des malheurs publics. On vit à Antioche et à Constantinople la licence de la démocratie, sans la liberté de cette forme de gouvernement ; et pour arriver aux dignités civiles ou ecclésiastiques, l’appui de l’une des deux factions devint nécessaire. On imputa aux Verts un attachement secret à la famille ou à la secte d’Anastase. Les Bleus soutenaient avec fanatisme la cause de l’orthodoxie et de Justinien[1] ; [Justinien favorise les Bleus.]et l’empereur reconnaissant, protégea plus de cinq années les désordres d’une faction dont les émeutes, dirigées à propos, intimidaient le palais, le sénat et les villes de l’Orient. Ceux-ci, enorgueillis de la faveur du

    n’est pas plus favorable que l’historien secret, lorsqu’il décrit les vices des factions et du gouvernement. Alemannus (p. 26) a cité un beau passage de saint Grégoire de Nazianze, qui prouve combien le mal était invétéré.

  1. La partialité de Justinien pour les Bleus (Anecdot., c. 7) est attestée par Evagrius (Hist. ecclés., l. IV, c. 32) ; par Jean Malala (t. II, p. 138, 139), particulièrement à l’égard d’Antioche ; et par Théophane (p. 142).