Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/348

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passer les portes de Carthage, il les exhorta, dans un discours digne de son caractère et de la circonstance, à ne pas souiller la gloire de leurs armes, à se souvenir que si les Vandales avaient été des tyrans, les Romains, les libérateurs de l’Afrique, devaient respecter les naturels du pays comme les sujets volontaires et affectionnés de leur commun maître. Les vainqueurs traversèrent la ville les rangs serrés, et prêts à combattre si l’ennemi se montrait. La police sévère que maintint le général les pénétra du devoir de l’obéissance ; et dans un siècle où l’usage et l’impunité autorisaient l’abus de la conquête, le génie d’un seul homme réprima les passions d’une armée victorieuse. On n’entendit point la voix de la menace, ni celle de la plainte. Le commerce de la ville ne fut point interrompu ; tandis que l’Afrique changeait de maître et de gouvernement, les boutiques demeurèrent ouvertes et remplies d’acheteurs, et lorsqu’on eut placé des gardes nombreuses, les soldats se retirèrent tranquillement dans les maisons qui leur avaient été assignées. Bélisaire occupa le palais et s’assit sur le trône de Genseric. Il reçut et distribua le butin fait sur les Barbares ; il fit grâce de la vie aux Vandales tremblans, et s’efforça de réparer les dommages que le faubourg de Mandracium avait soufferts dans la nuit précédente. Il donna à ses principaux officiers un souper qui eut l’appareil et la magnificence d’un banquet royal[1]. Les offi-

  1. Du nom de la ville de Delphes un trépied avait reçu, soit en grec, soit en latin, le nom delphicum ; et par une