Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/360

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tail, et dans des huttes faites de boue et de claies, qui emprisonnaient la fumée et ne recevaient point de jour. De sales vêtemens les couvraient à peine ; ils ne connaissaient ni l’usage du pain ni celui du vin ; des espèces de gâteaux composés d’avoine ou d’orge, et demi-cuits sous la cendre, formaient la nourriture que ces sauvages affamés dévoraient à peine préparée. C’était assez pour accabler les forces de Gelimer des rigueurs d’un genre de vie si étrange et si nouveau pour lui ; mais ses souffrances étaient rendues plus grandes par le souvenir de sa grandeur passée, l’insolence journalière de ses protecteurs, et par les justes craintes qu’il ressentait que la légèreté des Maures et l’appât d’une récompense ne les engageassent à trahir les droits de l’hospitalité. Pharas, qui connaissait sa situation, lui écrivit une lettre dictée par l’humanité et la bienveillance. « Comme vous, lui mandait le chef des Hérules, je suis un Barbare sans lettres ; mais je sais dire ce qu’inspirent le bon sens et un cœur honnête. Pourquoi voulez-vous persister dans une opiniâtreté désespérée ? pourquoi voulez-vous vous perdre, et perdre avec vous votre famille et votre nation ? Votre résistance est-elle fondée sur l’amour de la liberté et sur la haine de l’esclavage ? Hélas ! mon cher Gelimer, n’êtes-vous pas le plus malheureux des esclaves, et l’esclave de la vile nation des Maures ? Ne vaudrait-il pas mieux vivre à Constantinople dans la pauvreté et la servitude, que de régner en monarque absolu sur la montagne de Papua ? Regardez-vous comme honteux