Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/439

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recouvra en six années la moitié des provinces de l’empire d’Occident. Sa célébrité et son mérite, sa fortune et sa puissance, le rendirent incontestablement le premier des sujets de l’Empire romain ; l’envie seule put supposer sa grandeur dangereuse, et l’empereur dut s’applaudir de l’esprit de discernement qui lui avait fait découvrir et employer le génie de Bélisaire.

Histoire secrète de sa femme.

Dans les triomphes des Romains, un esclave se plaçait derrière le vainqueur, pour le faire souvenir de l’instabilité de la fortune, et des faiblesses de la nature humaine. Procope s’est chargé, dans ses Anecdotes, de cette basse et désagréable fonction. Le lecteur généreux peut être tenté de jeter le libelle ; mais l’évidence des faits les fixe dans sa mémoire : il avoue à regret que la réputation et même la vertu de Bélisaire furent souillées par les débauches et la cruauté de sa femme, et que le héros méritait une dénomination qui ne doit pas se trouver sous la plume d’un historien décent. La mère d’Antonina était une prostituée de théâtre[1] ; et son père et son grand-père exerçaient à Thessalonique et Constantinople, la vile mais lucrative profession de conduc-

  1. Aleman., avec tous ses soins, a ajouté peu de chose aux quatre premiers chapitres des Anecdotes, qui sont les plus curieux. Une partie de ces étranges Anecdotes peut être vraie, parce qu’elle est probable : une autre partie est peut-être vraie, parce qu’elle est improbable. Procope a dû savoir les premières par lui-même, et les dernières sont telles, qu’on a peine à concevoir qu’il ait pu les inventer.