Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/67

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dénomination de seniores ou seigneurs, ils usurpèrent le droit de gouverner les habitans de leur territoire particulier, et en abusèrent pour les opprimer. La résistance d’un égal pouvait restreindre quelquefois leur ambition ; mais les lois étaient sans vigueur, et les Barbares impies, qui ne craignaient point de provoquer la vengeance d’un saint ou d’un évêque[1], respectaient rarement les bornes territoriales d’un voisin laïque et sans défense. Les droits de la nature, que la jurisprudence romaine[2] avait toujours considérés comme étant communs à tous les hommes, perdirent beaucoup de leur extension sous les conquérans Germains, tyranniquement jaloux de la chasse qu’ils aimaient avec passion. L’empire général que l’homme s’est arrogé sur les sauvages habitans de la terre, de l’air et des eaux, n’appartenaient qu’à quelques individus fortunés de l’espèce humaine. De vastes forêts reparurent sur la surface de la Gaule, et les animaux, réservés pour l’usage ou le plaisir du seigneur oisif, pouvaient ravager impunément les champs de ses industrieux vassaux. La chasse devint le privilége sacré des nobles et de leurs domes-

  1. Une grande partie de deux cent six miracles de saint Martin de Tours furent destinés à punir les sacriléges (saint Grégoire de Tours, in maximâ Bibliothecâ Patrum, t. XI, p. 896-932). Audite hæc omnes, s’écrie l’évêque de Tours, potestatem habentes, après avoir raconté comment quelques chevaux qu’on avait fait entrer dans une prairie appartenant à l’église, étaient devenus enragés.
  2. Heineccius, Elem jur. Germ., l. II, p. 1, no 8.