Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/71

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insensiblement imité par les faibles et par les dévots. Dans les temps de troubles, ils couraient lâchement s’enfermer dans la forteresse d’un chef puissant, ou autour de la châsse de quelque saint révéré. Les patrons spirituels ou temporels recevaient leur soumission, et une transaction précipitée fixait irrévocablement leur condition et celle de leur dernière postérité. Depuis le règne de Clovis, les lois et les mœurs de la Gaule tendirent, durant cinq siècles consécutifs, à étendre la servitude personnelle et à en assurer la durée. Le temps et la violence effacèrent presque entièrement tous les rangs intermédiaires de la société, et ne laissèrent entre le noble et l’esclave qu’un espace rempli par un petit nombre d’hommes obscurs. L’orgueil et les préjugés ont converti cette division arbitraire et peu ancienne en une distinction nationale établie universellement par les armes et par les lois des Mérovingiens. Les nobles, qui prétendaient, à tort ou à raison, tirer leur origine des Francs indépendans et victorieux, usèrent et abusèrent de l’incontestable droit de la conquête sur une foule d’esclaves et de plébéiens auxquels ils imputaient l’ignominie imaginaire d’une extraction romaine ou gauloise.

Exemple de l’Auvergne.

L’exemple particulier d’une province, d’un diocèse ou d’une famille sénatoriale, pourra donner une idée de l’état général et des révolutions de la France, qu’on appela ainsi du nom de ses conquérans. L’Auvergne avait anciennement, et à juste titre, tenu un rang distingué parmi les provinces indépendantes