Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/77

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s’était formé au service d’un évêque dans l’art de la cuisine. « Dimanche prochain, lui dit le Franc, j’inviterai mes parens et mes amis. Exerce tes talens, et fais leur avouer qu’ils n’ont jamais vu ni goûté un tel repas, même à la table du roi. » Léon promit que, si on lui fournissait une quantité suffisante de volaille, les désirs de son maître seraient pleinement satisfaits. La vanité du Barbare, flatté de l’honneur qu’il retirait de la réputation d’une table bien servie, s’appropria toutes les louanges prodiguées à son cuisinier par les voraces convives, et l’adroit Léon obtint bientôt sa confiance et l’administration de toute sa maison. Après s’être tenu patiemment une année entière dans cette situation, il instruisit en secret Attale de son projet, et lui recommanda de se préparer à partir la nuit suivante. Les convives peu sobres s’étant retirés sur le minuit, Léon porta au gendre de son maître, dans son appartement, la boisson qu’il avait coutume de lui préparer tous les soirs. Le Barbare plaisanta Léon sur la facilité qu’il aurait à trahir la confiance de son maître. L’intrépide esclave, après avoir soutenu, sans se déconcerter, cette dangereuse raillerie, entra doucement dans la chambre à coucher de son maître, cacha sa lance et son bouclier, tira les meilleurs chevaux de l’écurie, ouvrit les pesantes portes de la maison, et pressa Attale de sauver sa liberté et sa vie par une prompte fuite. La crainte les engagea à laisser leurs chevaux sur les bords de la Meuse[1], ils passèrent la rivière à

  1. Comme M. de Valois et le père Ruinart veulent