Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/84

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monarchie resta sans aucun règlement de justice, de finances ou de service militaire. Les successeurs de Clovis manquèrent du courage nécessaire pour s’emparer du pouvoir législatif que le peuple avait abandonné, ou de forces pour l’exercer. Les prérogatives royales se bornaient à un privilége plus étendu de meurtre et de rapine ; et l’amour de la liberté, si souvent ranimé et déshonoré par l’ambition personnelle, se réduisit, parmi les Francs, au mépris de l’ordre et au désir de l’impunité. Soixante-quinze ans après la mort de Clovis, son petit-fils Gontran, roi de Bourgogne, fit marcher une armée pour envahir les possessions des Goths du Languedoc et de la Septimanie. L’avidité du butin attira les troupes de la Bourgogne, du Berry, de l’Auvergne et des contrées voisines. Elles marchèrent sans discipline sous les ordres de comtes gaulois ou germains, attaquèrent mollement et furent repoussées ; mais elles ravagèrent indifféremment les provinces amies et ennemies ; les moissons, les villages et même les églises, furent la proie des flammes ; les habitans furent ou massacrés ou traînés en esclavage, et cinq mille de ces destructeurs féroces périrent dans leur retraite, victimes de la faim ou de la discorde. Lorsque le pieux Gontran, après avoir reproché aux chefs leur crime ou leur négligence, menaça de les faire punir, non d’après un jugement légal, mais sur-le-champ et sans formalité, ils s’excusèrent sur la corruption générale et incurable du peuple. « Personne, dirent-ils, ne redoute ni ne respecte plus son roi, son duc