Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/200

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ficieuse politique de Servius avait rangées d’après leur fortune. Mais les tribuns établirent bientôt une maxime plus spécieuse et plus populaire ; ils soutinrent que le droit des citoyens de faire les lois qu’ils devaient suivre, était le même pour tous. Au lieu des comices par centuries, ils assemblèrent les comices par tribus ; et les patriciens, après de vains efforts, se soumirent aux décrets d’une assemblée où leurs suffrages se trouvaient confondus avec ceux des plus vils plébéiens. Cependant, aussi long-temps que les tribus passèrent l’une après l’autre sur les petits ponts[1], et qu’elles donnèrent leur suffrage à haute voix, aucun des citoyens ne put dérober sa conduite aux yeux de ses amis et de ses compatriotes. Le débiteur insolvable se conforma aux vœux de son créancier ; le client aurait rougi de s’opposer aux vues de son patron : le général était suivi de ses vieux soldats, et l’aspect d’un grave magistrat entraînait la multitude. L’établissement du scrutin secret abolit l’influence de la crainte et de la honte, de l’honneur et de l’intérêt ; et l’abus de la liberté accéléra les progrès de l’anarchie et du despotisme[2]. Les Romains

  1. Consultez les auteurs qui ont écrit sur les comices romains, et en particulier Sigonius et Beaufort. Spanheim (De præstantiâ et usu numismatum, l. II, Dissert., X, p. 192, 193) offre une médaille curieuse, où on voit les cista, les pontes, les septa, le diribitor, etc.
  2. Cicéron (De legibus, III, 16, 17, 18) discute cette question constitutionnelle, et donne à son frère Quintus le côté le moins populaire.