Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/310

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pendait au moins que des caprices d’un seul tyran. Le peuple romain sut lui-même imposer à ses passions quelques entraves salutaires, preuves de sa gravité et de sa modération, qu’elles ont peut-être contribué à entretenir. Le droit d’accusation était réservé aux magistrats. Le décret des trente-cinq tribus pouvait décerner une amende ; mais une loi fondamentale attribuait la connaissance de tous les délits capitaux à une assemblée des centuries, où le crédit et la fortune dominaient toujours. On interposa des proclamations et des ajournemens multipliés, afin que la prévention et le ressentiment eussent le loisir de se calmer. Un augure arrivant à propos ou l’opposition d’un tribun annullaient toute la procédure ; et ces instructions devant le peuple étaient pour l’ordinaire moins formidables à l’innocence que favorables aux criminels ; mais dans cette réunion du pouvoir judiciaire et du pouvoir législatif, on demeurait en doute si l’accusé était absous, ou s’il obtenait son pardon ; et les argumens des orateurs de Rome et d’Athènes en faveur d’un client illustre étaient aussi souvent adressés à la politique et à la bienveillance qu’à la justice du souverain. 2o. Il devint bientôt d’autant plus difficile d’assembler les citoyens à chaque accusation, que le nombre des citoyens et celui des coupables augmentaient sans cesse ; et on adopta l’expédient bien naturel de déléguer la juridiction du peuple aux magistrats en exercice ou à des inquisiteurs extraordinaires. Dans les premiers temps, ces jugemens furent rares. Au