Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/336

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l’Italie, sans livrer une bataille et sans former un siége. La soumission du peuple engagea le Barbare à revêtir le caractère de légitime souverain ; et l’exarque, hors d’état de résister, se vit réduit à la triste fonction d’aller annoncer à l’empereur Justin la perte rapide et irréparable de ses provinces et de ses villes[1]. Une place que les Goths avaient fortifiée avec soin arrêta les progrès du conquérant ; et tandis que des détachemens de Lombards subjuguaient le reste de l’Italie, le camp du roi demeura plus de trois ans devant la porte occidentale de Ticinum ou Pavie. Cette valeur, qui obtient l’estime d’un ennemi civilisé, provoque la fureur d’un sauvage ; et Alboin fit l’épouvantable serment de confondre dans un massacre général les âges, les sexes et les dignités. La famine lui permit enfin d’accomplir ce vœu sanguinaire ; mais en passant sous la porte de Pavie, son cheval fit un faux pas, et tomba sans qu’on pût le relever. La compassion ou la piété déterminèrent un de ceux qui accompagnaient Alboin, à interpréter cet événement comme un indice miraculeux de la colère du ciel. Alboin s’arrêta et s’adoucit ; il remit son épée dans le fourreau, vint tranquillement se reposer dans le palais de Théodoric, et annonça à la multitude tremblante qu’elle vivrait pour obéir. Le roi des Lombards, charmé de la position de cette

  1. Paul a donné une description de l’Italie d’après les dix-huit régions qu’elle contenait alors (l. II, c. 14-24). La Dissertatio choregraphica de Italiâ medli ævi, par le père Beretti, religieux bénédictin et professeur royal à Pavie, a été consultée avec fruit.