Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/371

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le Tibre sortit de son lit, et se précipita avec une violence irrésistible dans les vallées des sept collines. La stagnation des eaux produisit une maladie pestilentielle ; et la contagion fut si rapide, que quatre-vingts personnes expirèrent en une heure, au milieu d’une procession solennelle destinée à implorer la miséricorde divine[1]. Une société où le mariage est encouragé et l’industrie en honneur, répare bientôt les malheurs qu’ont causés la peste ou la guerre ; mais la plus grande partie des Romains se trouvant condamnée à la misère et au célibat, la dépopulation demeura constante et visible, et la sombre imagination des enthousiastes put y voir l’approche de la fin du monde[2]. Cependant le nombre des citoyens excédait encore la mesure des subsistances : les récoltes de la Sicile ou de l’Égypte leur fournissaient des vivres qui manquaient souvent, et la multiplicité des disettes de grains montre l’inattention de l’empereur pour les provinces éloignées. Les édifices de Rome n’annonçaient pas moins la décadence et la misère ; les inondations,

  1. Un diacre que saint Grégoire de Tours avait envoyé à Rome pour y chercher des reliques, décrit l’inondation et la peste. L’ingénieux député embellit son récit, et enrichit la rivière d’un grand dragon accompagné d’une suite de petits serpens. (S. Grég. de Tours, l. X, c. 1.)
  2. Saint Grégoire de Rome (Dialog., l. II, c. 15) rapporte une prédiction mémorable de saint Benoît. Roma à gentilibus non exterminabitur, sed tempestatibus, coruscis turbinibus ac terræ motu in semeptisâ marcescet. Cette prophétie rentre dans le domaine de l’histoire en attestant le fait d’après lequel on l’a fabriquée.