Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/62

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quelque succès en forçant Chosroès à revenir précipitamment défendre ses états ; et si le talent de Bélisaire eût été secondé par la discipline et la valeur, ses victoires auraient satisfait les désirs ambitieux du public, qui lui demandait la conquête de Ctésiphon et la délivrance des captifs d’Antioche. À la fin de la campagne, il fut rappelé par une cour ingrate ; mais les dangers furent tels au printemps de l’année suivante, qu’il fallut le renvoyer à la tête des troupes. Le héros, presque seul, se rendit au camp avec une extrême célérité, pour arrêter, par son nom et sa présence, l’invasion de la Syrie. Il trouva les généraux romains, et entre autres un neveu de Justinien, emprisonnés par leur frayeur dans les murs de Hiérapolis. Au lieu d’écouter leurs timides avis, Bélisaire leur ordonna de le suivre à Europus, où il voulait rassembler ses forces et exécuter tout ce que la Providence lui inspirerait contre l’ennemi. La fermeté de son maintien sur les bords de l’Euphrate empêcha Chosroès de marcher vers la Palestine ; et Bélisaire reçut avec adresse et avec dignité les ambassadeurs ou plutôt les espions du monarque de Perse. La plaine située entre Hiérapolis et la rivière était couverte d’escadrons de cavalerie, composés de six mille chasseurs grands et forts, s’occupant de leur chasse sans paraître craindre aucun ennemi. Les ambassadeurs aperçurent sur la rive opposée mille cavaliers arméniens qui semblaient garder le passage du fleuve. La tente de Bélisaire était de la toile la plus grossière ; elle offrait le modeste équipage d’un guerrier qui