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primogéniture. Les cheveux de ses deux fils, Justinien et Héraclius, furent offerts sur la châsse de saint Pierre comme un symbole de leur adoption spirituelle par le pape ; mais l’aîné fut seul élevé au rang d’Auguste, et obtint seul l’assurance de la couronne.

Justinien II. A. D. 685. Septembre.

Justinien II hérita de l’empire après la mort de son père, et le nom d’un législateur triomphant fut déshonoré par les vices d’un jeune homme qui n’imita le réformateur des lois que dans le luxe des bâtimens. Ses passions étaient fortes et son jugement faible : il exaltait, avec l’enivrement d’un sot orgueil, le droit de naissance qui lui soumettait des millions d’hommes, tandis que la plus petite communauté ne l’aurait pas choisi pour son magistrat particulier. Ses ministres favoris étaient un eunuque et un moine, c’est-à-dire les deux êtres par leur état les moins susceptibles des affections humaines : à l’un il abandonnait le palais, et à l’autre les finances ; le premier châtiait à coups de fouet la mère de l’empereur ; le second faisait suspendre les débiteurs insolvables, la tête en bas, sur un feu lent et exhalant une épaisse fumée. Depuis les jours de Commode et de Caracalla, la crainte avait été le mobile ordinaire de la cruauté des souverains de Rome ; mais Justinien, doué de quelque vigueur de caractère, se plaisait à voir les tourmens de ses sujets, et brava leur vengeance l’espace d’environ dix ans, jusqu’au moment où il eut comblé la mesure de ses crimes et celle de leur patience. Léontius, général renommé, avait gémi plus de trois ans dans un cachot avec quelques patriciens des plus nobles familles et