Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 9.djvu/217

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de corde que leur jetèrent les femmes de l’impératrice. Ni la défiance de Nicéphore, ni les avertissemens de ses amis, ni les secours tardifs de son frère Léon, ni l’espèce de forteresse qu’il s’était formée dans son palais, ne purent le défendre contre un ennemi domestique à la voix duquel toutes les portes s’ouvraient aux assassins. Il dormait sur une peau d’ours étendue par terre ; éveillé par le bruit des conjurés, il aperçut trente poignards levés sur lui. Il n’est pas sûr que Zimiscès ait trempé ses mains dans le sang de son souverain, mais il se donna du moins le barbare plaisir de jouir du spectacle de sa vengeance. L’insultante cruauté des meurtriers retarda de quelques instans la mort de l’empereur ; et du moment où, des fenêtres du palais, la multitude aperçut la tête de Nicéphore, le tumulte se calma, et l’Arménien fut proclamé empereur d’Orient. Au jour fixé pour son couronnement, l’intrépide patriarche, l’arrêtant sur la porte de l’église de Sainte-Sophie, lui déclara que, coupable du crime de meurtre et de trahison, il devait au moins, en signe de repentir, se séparer d’une complice encore plus criminelle que lui. Cette saillie de zèle apostolique ne dut pas déplaire beaucoup au nouvel empereur, incapable de conserver ni amour ni confiance pour une femme qui avait tant de fois violé les obligations les plus sacrées : ainsi donc, au lieu de partager le trône, Théophano fut ignominieusement chassée de son lit et de son palais. Elle se livra, dans leur dernière entrevue, à une rage aussi impuissante que forcenée ;