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La double nature de Cérinthe.

III. Tels furent les systèmes vagues et indécis dont se composa l’hérésie des docètes. Cérinthe d’Asie[1] qui osa combattre le dernier des apôtres, imagina une hypothèse plus substantielle et plus compliquée. Placé sur les confins du monde juif et du monde gentil, il s’efforça de réconcilier les gnostiques et les ébionites, en reconnaissant dans le Messie l’union surnaturelle de l’homme et de la Divinité ; Carpocrates, Basilide, Valentin[2] et les hérétiques de

    ανθρωπομορφον imaginem deitatis, quam proponem sibi in oratione consuerat aboleri, de suo corde sentiret, ut in amarissimos fletus, crebrosque singultus repentè prorumpens, in terram prostatus cum ejulatu validissimo proclamaret « heu me miserum ! tulerunt à me Deum meum, et quem nunc teneam non habeo, vel quem adorem, aut interpellem jam nescio. » (Cassien, Collation, X, 2.)

  1. Saint Jean et Cérinthe (A. D. 80 ; Le Clerc, Hist. eccl., p. 493) se rencontrèrent par hasard dans les bains publics d’Éphèse ; mais l’apôtre s’éloigna de l’hérétique, de peur que l’édifice ne tombât sur sa tête. Cette sotte histoire, que rejette le docteur Middleton (Miscellaneous Works, vol. 2), est racontée toutefois par saint Irénée (III, 3), sur le témoignage de Polycarpe, et elle se trouvait probablement d’accord avec la connaissance qu’on avait de l’époque vécut Cérinthe et du lieu qu’il habitait. Cette version de saint Jean (IV, 3) ο λυει τον Ιησο‌υν tombée en désuétude, quoiqu’elle paraisse être la vraie, fait allusion à la double nature qu’enseignait l’hérétique Cérinthe.
  2. Le système des valentiniens était compliqué et presque incohérent. 1o. Le Christ et Jésus étaient des æons, mais dont la vertu n’était pas au même degré ; l’un agissait comme l’âme raisonnable, et l’autre comme l’esprit divin