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gardaient qu’avec une pieuse horreur. On parla d’un oracle qui désignait le Tigre comme la borne fatale des armes romaines. Les troupes, effrayées du sort de Carus et de leurs propres dangers, sommèrent hautement le jeune Numérien d’obéir à la volonté des dieux, et de les tirer d’un pays où elles ne pouvaient combattre que sous les plus malheureux auspices. Le faible empereur se laissa entraîner par leurs préjugés, et les Perses ne purent voir sans étonnement la retraite subite d’un ennemi victorieux[1].

Vices de Carin. A. D. 284.

On apprit bientôt à Rome la mort mystérieuse de l’empereur. Le sénat et les provinces se félicitèrent de l’avénement des fils de Carus. Ces jeunes princes cependant n’avaient point ce sentiment d’une supériorité de naissance ou de mérite, qui seule peut rendre la possession d’un trône facile et presque naturelle. Nés dans une condition privée, ils avaient reçu l’éducation de leur état, lorsque l’élection de leur père les appela tout à coup au rang de princes ; sa mort, qui arriva seize mois après environ, leur assura l’héritage inattendu d’un empire immense. Pour soutenir avec modération une fortune si rapide, il eût fallu une prudence et une vertu extraordinaires, qualités dont Carin, l’aîné des deux frères, était entièrement dépourvu. Il avait montré quelque

    nianum. Les lieux frappés de la foudre étaient entourés d’un mur ; les choses étaient enterrées avec des cérémonies mystérieuses.

  1. Vopiscus, Hist. Aug., p. 250. Aurelius-Victor semble croire à la prédiction et approuver la retraite.