Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/373

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règles frivoles d’abstinence religieuse ; et afin de plaire à Pan ou à Mercure, à Hécate ou à Isis, il se privait, à certains jours, de divers alimens qu’il croyait odieux à ces divinités tutélaires. Par ces jeûnes, il préparait ses sens et son esprit aux visites fréquentes et familières dont l’honoraient les puissances célestes. Malgré son modeste silence, nous savons de l’orateur Libanius, son fidèle ami, qu’il vivait dans un commerce habituel avec les dieux et les déesses ; que ces divinités descendaient sur la terre pour jouir de la conversation de leur héros favori ; qu’elles interrompaient doucement son sommeil en touchant ses mains ou ses cheveux ; qu’elles l’avertissaient de tous les dangers dont il se trouvait menacé ; que leur sagesse infaillible le guidait dans chacune des actions de sa vie, et qu’enfin il était si familiarisé avec elles, qu’il distinguait sur-le-champ la voix de Jupiter de celle de Minerve, et la figure d’Apollon des formes d’Hercule[1]. Ces songes ou ces visions, effets ordinaires de l’abstinence et de la superstition, ravalent l’empereur presque au niveau d’un moine égyptien ; mais ces vaines occupations absorbaient entièrement l’inutile vie d’Antoine et de Pacome, tandis que Julien, toujours prêt à sortir d’une de ses rêveries superstitieuses pour mar-

  1. La modestie de Julien n’a laissé échapper que par occasion quelques mots obscurs sur cet objet ; mais Libanius s’arrête avec plaisir sur les jeûnes et les visions du héros religieux. Legat. ad Julian., p. 157 ; et orat. parent., c. 83, p. 309, 310.