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du roi des Huns[1]. Bleda, son frère, qui régnait sur une grande partie de la nation, perdit le sceptre et la vie ; et ce meurtre dénaturé passa pour une impulsion surnaturelle. La vigueur avec laquelle Attila maniait l’épée de Mars, persuadait aux peuples qu’elle avait été destinée pour son bras invincible[2] : mais il ne nous reste d’autres monumens du nombre et de l’importance de ses victoires, que la vaste étendue de ses états ; et quoique le roi des Huns fit peu de cas des sciences et de la philosophie, il regretta peut-être que la barbare ignorance de ses sujets fût incapable de perpétuer le souvenir de ses exploits.

Il soumet toute la Scythie et la Germanie.

En tirant une ligne de séparation entre les climats sauvages et les nations civilisées, entre les habitans des villes qui cultivaient les terres et les hordes de pâtres et de chasseurs qui vivaient sous des tentes, on peut donner légitimement à Attila le titre de monarque suprême et universel des Barbares[3]. Il est

  1. Priscus, p. 55. Un héros plus civilisé, Auguste lui-même, aimait à faire baisser les yeux à ceux qui le regardaient, et à se persuader qu’ils ne pouvaient supporter le feu divin qui brillait dans ses regards. Suét., in Aug., c. 79.
  2. Le comte du Buat (Histoire des Peuples de l’Europe, t. VII, p. 428, 429) essaie de justifier Attila du meurtre de son frère, et paraît presque vouloir récuser les témoignages réunis de Jornandès et des Chroniques contemporaines.
  3. Fortissimarum gentium Dominus, qui, inauditâ ante se potentiâ, solus scythica et germanica regna possedit. Jornandès, c. 49, p. 684 ; Priscus, p. 64, 65. M. de Guignes a acquis par ses connaissances sur la Chine des lumières sur l’empire et l’histoire d’Attila.