Page:Gide - Caractères, 1925.djvu/24

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paralysie, non point de la pensée, mais de la faculté d’expression — j’allais dire de la plume — qui ne s’en prend qu’aux meilleurs. J’ajoute cela pour me consoler… Par instants, je doute si je produirai plus jamais rien. Je me souviens de Valentin… Longtemps nous avons cru son mal imaginaire, jusqu’au jour où une habile doctoresse l’a guéri. Ce n’est qu’une fois guéri qu’il a pu nous parler de sa maladie, de manière à se faire comprendre. « Entre la sensation et le mouvement réflexe qui devait suivre, me disait-il, un intervalle, une sorte de gouffre se creusait. Je devais faire par raisonnement tout ce que j’aurais dû faire par instinct… ». Eh bien, entre ma pensée et les mots, je sens se creuser ce gouffre, et que le doute vient

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