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— À ceci : que les bergers sans instruction de Théocrite besognaient plus naïvement ; que cette énigme de l’autre sexe, « l’instinct » ne suffit pas toujours, ne suffit pas souvent, à la résoudre : il y faut quelque application. Simple commentaire aux paroles de Gœthe…

Et voilà pourquoi nous voyons, dans Virgile, Damœtas pleurer encore la fuite de Galathée sous les saules, cependant que déjà Ménalque, près d’Amyntas, goûte un plaisir sans réticences.

At mihi sese offert ultro, meus igni, Amyntas.

Quand l’amant est près de son aimé, dit admirablement Léonard de Vinci, il se repose.

— Si l’hétérosexualité comporte quelque apprentissage, avouez qu’il ne manque pas aujourd’hui, dans les campagnes et les villes, d’apprentis plus précocement dégourdis que Daphnis.

— Tandis que, de nos jours, même (ou surtout) dans les campagnes, les jeux homosexuels sont assez rares, et assez déconsidérés. Oui ; nous le disions avant-hier : tout, dans nos mœurs et dans nos lois, précipite un sexe vers l’autre. Quelle conspiration, soit clandestine, soit avouée, pour persuader au jeune garçon, dès avant l’éveil du désir, que tout plaisir se goûte avec la femme ; qu’en dehors d’elle il n’est point de plaisir. Quelle exagération, jusqu’à l’absurde, des attraits du « beau sexe », en regard du systématique effacement, de l’enlaidissement, de la ridiculisation du masculin. Contre quoi s’insurgeront pourtant certains peuples artistes, chez qui nous avons vu le sens