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Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/114

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femme en particulier) quand bien dénuée de parure ? Non certes ! comme nous en voyons d’autres qui, malgré toutes les sollicitations du beau sexe, les injonctions, les prescriptions, le péril, demeurent irrésistiblement attirés par les garçons. Mais je prétends que, dans la plupart des cas, l’appétit qui se réveille en l’adolescent n’est pas d’une bien précise exigence ; que la volupté lui sourit, de quelque sexe que soit la créature qui la dispense, et qu’il est redevable de ses mœurs plutôt à la leçon du dehors, qu’à la décision du désir ; ou, si vous préférez, je dis qu’il est rare que le désir se précise de lui-même et sans l’appui de l’expérience. Il est rare que les données des premières expériences soient dictées uniquement par le désir, soient celles-là mêmes que le désir eût choisies. Il n’est pas de vocation plus facile à fausser que la sensuelle et…

— Et quand cela serait !… Car je vous vois venir : vous insinuez déjà que si l’on abandonnait chaque adolescent à soi-même et si l’objurgation extérieure ne s’en mêlait — autrement dit : si la civilisation se relâchait — les homosexuels seraient encore plus nombreux qu’ils ne sont.

À moi de vous servir le mot de Gœthe : Cette victoire que la culture a remportée sur la Nature, il ne faut point la laisser échapper ; il ne faut s’en dessaisir à aucun prix.