Page:Gide - De l’influence en littérature.djvu/25

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Il me semblait que, de mes propres lèvres, j’entendisse jaillir cette plainte admirable.

S’éduquer, s’épanouir dans le monde, il semble vraiment que ce soit se retrouver des parents.


Je sens bien qu’ici nous sommes arrivés au point sensible — dangereux — et qu’il va devenir plus difficile et délicat de parler. — Il ne s’agit plus à présent des influences — dirai-je : naturelles — mais bien des influences humaines. — Comment expliquer, tandis que l’influence nous apparaissait jusqu’ici comme un heureux moyen d’enrichissement personnel — ou du moins semblable à cette baguette de coudre des sorciers qui permettrait de découvrir en soi des richesses, — comment expliquer que brusquement ici l’on entre en garde, l’on ait peur (surtout de nos jours, disons-le bien) que l’on se défie. L’influence ici, est considérée comme une chose néfaste, une sorte de maladie, de rachitisme, d’attentat envers soi-même, de crime de lèse-personnalité.


C’est que précisément aujourd’hui, même sans faire profession d’individualisme, nous prétendons avoir chacun notre personnalité, et que, sitôt que cette personnalité n’est plus très robuste, sitôt qu’elle paraît, à nous-même ou aux autres, un peu indécise, chan-