écrire[1] ?… Et puis je vois en lui si peu de cordialité, qui me rappellerait le vieux temps ! Je n’oublierai jamais ce qu’il a dit à K…, qui lui remettait ma demande de s’occuper de moi : Il ferait mieux de rester en Sibérie. » Il écrivit cela, il est vrai, mais, cette parole atroce, il ne demande au contraire qu’à l’oublier ; la tendre lettre à Mikhaïl, dont je citais tout à l’heure un passage, est postérieure à celle-ci ; peu après il écrivait à Vrangel : « Dites à mon frère que je le serre dans mes bras, que je lui demande pardon de toutes les peines que je lui ai causées ; je me mets à genoux devant lui. » Enfin à son frère même il écrit le 21 août 1885 (lettre non donnée par Bienstock) : « Cher ami, lorsque dans ma lettre d’octobre de l’an dernier je te faisais entendre les mêmes plaintes (au sujet de ton silence), tu m’as répondu qu’il t’avait été très
- ↑ Durant ses quatre années de bagne, Dostoïevsky était resté sans nouvelles des siens ; — le 22 février 1854, dix jours avant son élargissement, il écrivait à son frère la première des lettres de Sibérie dont nous avons connaissance, cette lettre admirable que je regrette de ne pas trouver dans le recueil de M. Bienstock : « Je puis enfin causer avec toi plus longuement, plus sûrement aussi, il me semble… Mais avant tout, laisse-moi te demander, au nom de Dieu, pourquoi tu ne m’as pas encore écrit une seule ligne. Je n’aurais jamais cru cela ! Combien de fois, dans ma prison, dans ma solitude, ai-je senti venir le véritable désespoir en pensant que, peut-être, tu n’existais plus ; et je réfléchissais durant des nuits entières au sort de tes enfants, et je maudissais la destinée qui ne me permettait pas de leur venir en aide… Se pourrait-il qu’on t’eût défendu de m’écrire ? Mais cela est permis ! Tous les condamnés politiques reçoivent ici plusieurs lettres par an… Mais je crois avoir deviné la véritable cause de ton silence : c’est ton apathie naturelle… »