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Page:Gide - Isabelle.djvu/136

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ISABELLE

en état de guerre. Les combats n’étaient pas bien sérieux et l’abbé ne faisait qu’en rire ; mais rien n’irritait tant Mademoiselle Verdure que le ton persifleur qu’il prenait alors ; elle se découvrait à tous coups et l’abbé tirait dans le vif. Presque aucun jour ne passait sans qu’éclatât entre eux quelqu’une de ces escarmouches que l’abbé nommait des " castilles ". Il prétendait que la vieille fille en avait besoin pour sa santé ; il la faisait monter à l’arbre comme on emmène un chien faire un tour. Il n’y apportait peut-être pas de méchanceté, mais certainement de la malice et s’y montrait assez provocant. Cela les occupait tous deux et assaisonnait leur journée.

Le petit incident du dessert nous avait laissés nerveux. Je cherchais une diversion et, tandis que l’abbé versait les tasses, ma main rencontra dans la poche de mon veston un paquet de feuilles, ramille d’un arbre bizarre qui croissait | près de la grille d’entrée et que j’avais cueillie le matin pour en demander le nom à Made-