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Page:Gide - Isabelle.djvu/140

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ISABELLE

— Parce qu’elle vient au milieu de la nuit, qu’elle repart presque aussitôt, qu’elle fuit les regards et… méfiez-vous de Gratien. Son regard me scrutait : je ne bronchai point ; il reprit sur un ton irrité :

— Vous ne tiendrez aucun compte de ce que je vous en dis ; je le vois à votre air ; mais vous êtes averti. Allez ! faites à votre guise ; demain matin vous m’en donnerez des nouvelles.

Il se leva, me laissa, sans que j’aie pu démêler s’il cherchait à refréner ma curiosité ou s’il ne s’amusait pas à l’éperonner au contraire.

Jusqu’au soir mon esprit, dont je renonce à peindre le désordre, fut uniquement occupé par l’attente. Pouvais-je aimer vraiment Isabelle ? Non sans doute, mais, amusé jusqu’au cœur par une excitation si violente, comment ne me fussé-je pas mépris ? reconnaissant à ma curiosité toute la frémissante ardeur, la fougue, l’impatience de l’amour. Les dernières paroles de l’abbé n’avaient servi