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ISABELLE

encore, espacées, déjà lointaines. Je m’étais retourné vers Gérard et je vis que ses lèvres tremblaient.

Allons-nous-en, fit-il. J’ai besoin de respirer un autre air.

Sitôt dehors il s’excusa de ne pouvoir nous accompagner : il connaissait quelqu’un dans les environs, dont il voulait aller prendre des nouvelles. Comprenant au ton de sa voix qu’il serait indiscret de le suivre y nous rentrâmes seuls, Jammes et moi, à La R. où Gérard nous rejoignit dans la soirée.

Cher ami, lui dit bientôt Jammes, apprenez que je suis résolu à ne plus raconter la moindre histoire, que vous ne nous ayez sorti celle qu’on voit qui vous tient au cœur.

Or les récits de Jammes faisaient les délices de nos veillées.

Je vous raconterais volontiers le roman dont la maison que vous vîtes tantôt fut le théâtre, commença Gérard, misa outre que je ne sus le découvrir, ou le reconstituer, qu’en partie, je crains de ne pouvoir apporter quelque ordre dans mon récit qu’en dépouillant chaque événement de l’attrait