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Page:Gide - Isabelle.djvu/178

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ISABELLE

— Vous êtes artiste ?

— Hélas ! non, répliquai-je en souriant ; mais qu’à cela ne tienne ; je sais goûter la poésie. Et sans oser la regarder encore, je sentais son regard m’envelopper. L’hypocrite banalité de nos propos m’est odieuse et je souffre à les rapporter…

— Comme ce parc est beau, reprenais-je.

Il me parut qu’elle ne demandait qu’à causer et n’était embarrassée, ainsi que moi, que de savoir comment engager l’entretien ; car elle se récria que je ne pouvais malheureusement juger en cette saison de ce que pouvait devenir à l’automne ce parc, encore grelottant et mal réveillé de l’hiver — du moins ce qu’il avait pu devenir, reprit-elle ; qu’en restera-t-il désormais après l’affreux travail des bûcherons ?…

— Ne pouvait-on les empêcher ? m’écriai-je.

— Les empêcher ! répéta-t-elle ironiquement en levant très haut les épaules ; et je crus qu’elle me montrait son misérable chapeau de feutre pour témoigner de sa détresse,