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ISABELLE

Je sais de reste ce qui l’attend sur le sentier de la vertu ; mais l’autre route ?… l’autre route…

Vers le milieu de septembre, je rassemblai le meilleur de ma modeste garde-robe, renouvelai mon jeu de cravates, et partis.

Quand j’arrivai à la Station du Breuil-Blangy, entre Pont-l’Évêque et Lisieux, la nuit était à peu près close. J’étais seul à descendre du train. Une sorte de paysan en livrée vint à ma rencontre, prit ma valise et m’escorta vers la voiture qui stationnait de l’autre côté de la gare. L’aspect du cheval et de la voiture coupa l’essor de mon imagination ; on ne pouvait rêver rien de plus minable. Le paysan-cocher repartit pour dégager la malle que j’avais enregistrée ; sous ce poids les ressorts de la calèche fléchirent. À l’intérieur, une odeur de poulailler suffocante… Je voulus baisser la vitre de la portière, mais la poignée de cuir me resta dans la main. Il avait plu dans la journée ; la