Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/134

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un instant regimbé ; à présent il reprenait son trot égal, si beau, si souple, que j’enviais Charles et le lui dis.

– Encore quelques jours de dressage et la selle ne le chatouillera plus ; dans deux semaines, Madame elle-même osera le monter : il sera doux comme une agnelle.

Il disait vrai ; quelques jours après, le cheval se laissa caresser, habiller, mener, sans défiance ; et Marceline même l’eût monté si son état lui eût permis cet exercice.

– Monsieur devrait bien l’essayer, me dit Charles.

C’est ce que je n’eusse jamais fait seul ; mais Charles proposa de seller pour lui-même un autre cheval de la ferme ; le plaisir de l’accompagner m’emporta.

Que je fus reconnaissant à ma mère de m’avoir conduit au manège durant ma première jeunesse ! Le lointain souvenir de ces premières leçons me servit. Je ne me sentis pas trop étonné d’être à cheval ; au bout de peu d’instants, j’étais sans crainte aucune et à