Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/149

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hension, il faut avouer qu’ils ne la montraient guère ; il me parut que la plupart ne vivaient point, se contentaient de paraître vivre et, pour un peu, eussent considéré la vie comme un fâcheux empêchement d’écrire. Et je ne pouvais pas les en blâmer ; et je n’affirme pas que l’erreur ne vînt pas de moi… D’ailleurs qu’entendais-je par : vivre ? – C’est précisément ce que j’eusse voulu qu’on m’apprît. – Les uns et les autres causaient habilement des divers événements de la vie, jamais de ce qui les motive.

Quant aux quelques philosophes, dont le rôle eût été de me renseigner, je savais depuis longtemps ce qu’il fallait attendre d’eux ; mathématiciens ou néocriticistes, ils se tenaient aussi loin que possible de la troublante réalité et ne s’en occupaient pas plus que l’algébriste de l’existence des quantités qu’il mesure.

De retour près de Marceline, je ne lui cachais point l’ennui que ces fréquentations me causaient.