Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

– Apprends-moi…

Ce soir, je ne rentrai que bien tard pour dîner, et comme on ne savait où j’étais, Marceline était inquiète. Je ne lui racontai pourtant pas que j’avais posé six collets et que, loin de gronder Alcide, je lui avais donné dix sous.

Le lendemain, allant relever ces collets avec lui, l’eus l’amusement de trouver deux lapins pris aux pièges ; naturellement je les lui laissai. La chasse n’était pas encore ouverte. Que devenait donc ce gibier, qu’on ne pouvait montrer sans se commettre ? C’est ce qu’Alcide se refusait à m’avouer. Enfin j’appris, par Bute encore, que Heurtevent était un maître recéleur, et qu’entre Alcide et lui le plus jeune des fils commissionnait. Allais-je donc ainsi pénétrer plus avant dans cette famille farouche ? Avec quelle passion je braconnai !

Je retrouvais Alcide chaque soir ; nous prîmes des lapins en grand nombre, et même une fois un chevreuil : il vivait faible-