Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/257

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prend par la main ; je la suis ; c’est la maîtresse de Moktir ; il accompagne… Nous entrons tous les trois dans l’étroite et profonde chambre où l’unique meuble est un lit… Un lit très bas, sur lequel on s’assied. Un lapin blanc, enfermé dans la chambre, s’effarouche d’abord, puis s’apprivoise et vient manger dans la main de Moktir. On nous apporte du café. Puis, tandis que Moktir joue avec le lapin, cette femme m’attire à elle, et je me laisse aller à elle comme on se laisse aller au sommeil…

Ah ! je pourrais ici feindre ou me taire — mais que m’importe à moi ce récit, s’il cesse d’être véritable ?…

Je retourne seul à l’hôtel, Moktir restant là-bas pour la nuit. Il est tard. Il souffle un sirocco aride ; c’est un vent tout chargé de sable, et torride malgré la nuit. Au bout de quatre pas je suis en nage ; mais j’ai soudain trop hâte de rentrer, et c’est presque en courant que je reviens. – Elle s’est réveillée peut-être… peut-être a-t-elle besoin de