Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
L'IMMORALISTE

au contraire assez commodément installés. Mais le froid !… Par quelle puérile confiance en la douceur d’air du Midi, légèrement vêtus tous deux, n’avions-nous emporté qu’un châle ? Sitôt sortis de Sousse et de l’abri de ses collines, le vent commença de souffler. Il faisait de grands bonds sur la plaine, hurlait, sifflait, entrait par chaque fente des portières ; rien ne pouvait en préserver. Nous arrivâmes tout transis, moi, de plus, exténué par les cahots de la voiture, et par une horrible toux qui me secouait encore plus. Quelle nuit ! – Arrivés à El Djem, pas d’auberge ; un affreux bordj en tenait lieu : que faire ? La diligence repartait. Le village était endormi ; dans la nuit qui paraissait immense on entrevoyait vaguement la masse informe des ruines ; des chiens hurlaient. Nous rentrâmes dans une salle terreuse où deux lits misérables étaient dressés. Marceline tremblait de froid, mais là du moins le vent ne nous atteignait plus.

Le lendemain fut un jour morne. Nous