Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/66

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mais n’osai point, ne sachant ce qu’en aurait dit Marceline.

Je la trouvai dans la salle à manger, occupée près d’un enfant très jeune, si malingre et d’aspect si chétif, que j’eus pour lui d’abord plus de dégoût que de pitié. Un peu craintivement, Marceline me dit :

– Le pauvre petit est malade.

– Ce n’est pas contagieux, au moins ? Qu’est-ce qu’il a ?

– Je ne sais pas encore au juste. Il se plaint de partout un peu. Il parle assez mal le français ; quand Bachir sera là demain, il lui servira d’interprète… Je lui fais prendre un peu de thé…

Puis, comme pour s’excuser, et parce que je restais là, moi, sans rien dire :

– Voilà longtemps, ajouta-t-elle, que je le connais ; je n’avais pas encore osé le faire venir ; je craignais de te fatiguer, ou peut-être de te déplaire.

– Pourquoi donc, m’écriai-je, amène ici tous les enfants que tu veux, si ça t’amuse !