Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/75

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appendue là-haut, près de la récente blessure, pour recueillir la sève du palmier dont on fait un vin doux qui plaît fort aux Arabes. Sur l’invite de Lachmi j’y goûtai ; mais ce goût fade, âpre et sirupeux me déplut.

Les jours suivants j’allai plus loin ; je vis d’autres jardins, d’autres bergers et d’autres chèvres. Ainsi que Marceline l’avait dit, ces jardins étaient tous pareils ; et pourtant chacun différait.

Parfois Marceline m’accompagnait encore ; mais, plus souvent, dès l’entrée des vergers, je la quittais, lui persuadant que j’étais las, que je voulais m’asseoir, qu’elle ne devait pas m’attendre, car elle avait besoin de marcher plus ; de sorte qu’elle achevait sans moi la promenade. Je restais auprès des enfants. Bientôt j’en connus un grand nombre ; je causais avec eux longuement ; j’apprenais leurs jeux, leur en indiquais d’autres, perdais au bouchon tous mes sous. Certains m’accompagnaient au loin (chaque jour j’allongeais mes marches), m’indiquaient,