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la porte étroite

dises et les jouets. J’aurais pris moi-même grand plaisir auprès d’elle à ces soins, mais il fallait laisser ma tante lui parler. Je partis donc sans l’avoir vue et tâchai toute la matinée d’occuper mon inquiétude.

J’allai d’abord chez les Bucolin, désireux de revoir Juliette ; j’appris qu’Abel m’avait devancé auprès d’elle, et, craignant d’interrompre une conversation décisive, je me retirai aussitôt, puis j’errai sur les quais et dans les rues jusqu’à l’heure du déjeuner.

— Gros bêta ! s’écria ma tante quand je rentrai, est-il permis de se gâter ainsi la vie ! Il n’y a pas un mot de raisonnable dans tout ce que tu m’as conté ce matin… Oh ! je n’y ai pas été par quatre chemins : j’ai envoyé promener Miss Ashburton qui se fatiguait à nous aider et, dès que je me suis trouvée seule avec Alissa, je lui ai demandé tout simplement pourquoi elle ne s’était pas fiancée cet été. Tu crois peut-être qu’elle a été embarrassée ? — Elle ne s’est pas troublée un instant, et, tout tranquillement, m’a ré-