Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
la porte étroite

de nos natures, ou à cause d’elle plutôt…

— Étudions ce papier, dit-il en étalant la lettre sur son bureau.

Trois nuits avaient déjà passé sur mon dépit, que j’avais su garder par devers moi quatre jours ! J’en venais presque naturellement à ce que mon ami sut me dire :

— La partie Juliette-Teissières, nous l’abandonnons au feu de l’amour, n’est-ce pas ? Nous savons ce qu’en vaut la flamme. Parbleu ! Teissières me paraît bien le papillon qu’il faut pour s’y brûler…

— Laissons cela, lui-dis-je, offusqué par ses plaisanteries. Venons au reste.

— Le reste ? fit-il… Tout le reste est pour toi. Plains-toi donc ! Pas une ligne, pas un mot que ta pensée n’emplisse. Autant dire que la lettre entière t’est adressée ; tante Félicie, en te la renvoyant, n’a fait que la retourner à son véritable destinataire ; c’est faute de toi qu’Alissa s’adresse à cette brave femme, comme au premier pis-aller ; qu’est-ce que peuvent bien lui faire, à ta tante, les