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la porte étroite

Sans doute imaginez-vous aisément avec quels transports de joie je lus cette lettre, et avec quels sanglots d’amour. D’autres lettres suivirent. Certes Alissa me remerciait de ne point venir à Fongueusemare, certes elle m’avait supplié de ne point chercher à la revoir cette année, mais elle regrettait mon absence, elle me souhaitait à présent ; de page en page retentissait le même appel. Où pris-je la force d’y résister ? Sans doute dans les conseils d’Abel, dans la crainte de ruiner tout à coup ma joie, et dans un raidissement naturel contre l’entraînement de mon cœur.

Je copie, des lettres qui suivirent, tout ce qui peut instruire ce récit :

« Cher Jérôme,

Je fonds de joie en te lisant. J’allais répondre à ta lettre d’Orvieto, quand, à la fois, celle de Pérouse et celle d’Assise sont arrivées. Ma pensée se fait voyageuse ; mon corps seul fait semblant d’être ici ; en vérité je suis avec toi sur les blanches routes d’Ombrie ; avec toi je pars au matin,