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Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/187

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la porte étroite

— C’est ce tremblement, ce sont ces larmes qui font la beauté de cette voix — essayai-je de repartir, mais sans courage, car je ne reconnaissais dans ces paroles rien de ce que je chérissais dans Alissa. Je les transcris telles que je m’en souviens et sans y apporter après coup art ni logique.

— S’il n’avait pas d’abord vidé la vie présente de sa joie, reprit-elle, elle pèserait plus lourd dans la balance que…

— Que quoi ? fis-je, interdit par ses étranges propos.

— Que l’incertaine félicité qu’il propose.

— N’y crois-tu donc pas ? m’écriai-je.

— Qu’importe ! reprit-elle ; je veux qu’elle demeure incertaine afin que tout soupçon de marché soit écarté. C’est par noblesse naturelle, non par espoir de récompense que l’âme éprise de Dieu va s’enfoncer dans la vertu.

— De là ce secret scepticisme où se réfugie la noblesse d’un Pascal.

— Non scepticisme : jansénisme, dit-elle