Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
la porte étroite

Je voudrais lui remettre cette croix. Il y a longtemps déjà je faisais ce rêve : lui marié ; moi, marraine de sa première fille, une petite Alissa, à qui je donnais ce bijou… Pourquoi n’ai-je jamais osé le lui dire ?

2 octobre.

Mon âme est légère et joyeuse aujourd’hui comme un oiseau qui aurait fait son nid dans le ciel. C’est aujourd’hui qu’il doit venir ; je le sens, je le sais ; je voudrais le crier à tous ; j’ai besoin de l’écrire ici. Je ne peux plus cacher ma joie. Même Robert, si distrait d’ordinaire et si indifférent à moi, l’a remarquée. Ses questions m’ont troublée et je n’ai su quoi lui répondre. Comment vais-je attendre à ce soir ?…

Je ne sais quel transparent bandeau me présente partout agrandie son image et concentre tous les rayons de l’amour sur un seul point brûlant de mon cœur.

Oh ! que l’attente me fatigue !…

Seigneur ! entr’ouvrez un instant devant moi les larges vantaux du bonheur !