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la porte étroite

naient au regard, à tout l’être, une expression d’interrogation à la fois anxieuse et confiante, — oui, d’interrogation passionnée. Tout, en elle, n’était que question et qu’attente… Je vous dirai comment cette interrogation s’empara de moi, fit ma vie.

Juliette cependant pouvait paraître plus belle ; la joie et la santé posaient sur elle leur éclat ; mais sa beauté, près de la grâce de sa sœur, semblait extérieure et se livrer à tous d’un seul coup. Quant à mon cousin Robert, rien de particulier ne le caractérisait. C’était simplement un garçon à peu près de mon âge ; je jouais avec Juliette et avec lui ; avec Alissa, je causais ; elle ne se mêlait guère à nos jeux ; si loin que je replonge dans le passé, je la vois sérieuse, doucement souriante et recueillie. — De quoi causions-nous ? De quoi peuvent causer deux enfants ? Je vais bientôt tâcher de vous le dire, mais je veux d’abord, et pour ne plus ensuite reparler d’elle, achever de vous raconter ce qui a trait à ma tante.