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la porte étroite

affairé et peiné de ces deux femmes, le : « Mon enfant, va jouer plus loin ! » avec lequel elles me repoussaient chaque fois que je m’approchais de leurs conciliabules, tout me montrait qu’elles n’ignoraient pas complètement le secret de la maison Bucolin.

Nous n’étions pas plus tôt rentrés à Paris qu’une dépêche rappelait ma mère au Havre : ma tante venait de s’enfuir.

— Avec quelqu’un ? demandai-je à Miss Ashburton auprès de qui ma mère me laissait.

— Mon enfant, tu demanderas cela à ta mère ; moi je ne peux rien te répondre, disait cette chère vieille amie que cet événement consternait.

Deux jours après, nous partions, elle et moi, rejoindre ma mère. C’était un samedi. Je devais retrouver mes cousines le lendemain, au temple, et cela seul occupait ma pensée ; car mon esprit d’enfant attachait une grande importance à cette sanctification de notre revoir. Après tout, je me souciais peu