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la porte étroite

plus pénible que son silence. Il restait à fumer dans son bureau jusqu’à l’heure du soir où venait le retrouver Alissa ; il se faisait prier pour sortir ; elle l’emmenait comme un enfant, dans le jardin. Tous deux, descendant l’allée aux fleurs, allaient s’asseoir dans le rond-point, près l’escalier du potager, où nous avions porté des chaises.

Un soir que je m’attardais à lire, étendu sur le gazon, à l’ombre d’un des grands hêtres pourpres, séparé de l’allée aux fleurs simplement par la haie de lauriers qui empêchait les regards, point les voix, j’entendis Alissa et mon oncle. Sans doute ils venaient de parler de Robert ; mon nom fut alors prononcé par Alissa, et, comme je commençais à distinguer leurs paroles, mon oncle s’écria :

— Oh ! lui, il aimera toujours le travail.

Écouteur malgré moi, je voulus m’en aller, tout au moins faire quelque mouvement qui leur signalât ma présence ; mais quoi ? tousser ? crier : je suis là ! je vous entends !… et ce fut