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la porte étroite

du reste il connaissait déjà. Il avait cette année acquis quelque pratique des femmes, ce qui lui permettait un air de supériorité un peu fat mais dont je ne m’offensai point. Il me plaisanta pour ce que je n’avais pas su poser mon dernier mot, comme il disait, émettant en axiome qu’il ne faut jamais laisser une femme se ressaisir. Je le laissai dire, mais pensai que ses excellents arguments n’étaient bons ni pour moi ni pour elle et qu’il montrait tout simplement qu’il ne nous comprenait pas bien.

Le lendemain de notre arrivée, je reçus cette lettre :

« Mon cher Jérôme,

J’ai beaucoup réfléchi à ce que tu me proposais (ce que je proposais ! appeler ainsi nos fiançailles !). J’ai peur d’être trop âgée pour toi. Cela ne te paraît peut-être pas encore parce que tu n’as pas encore eu l’occasion de voir d’autres femmes ; mais je songe à ce que je souffrirais plus tard,