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la porte étroite

lorsque je fus assez près, comme craintivement je ralentissais déjà mon allure, elle, sans d’abord tourner le front vers moi, mais le gardant baissé comme fait un enfant boudeur, tendit vers moi, presque en arrière, la main qu’elle avait pleine de fleurs, semblant m’inviter à venir. Et comme, au contraire, par jeu, à ce geste je m’arrêtais, elle, se retournant enfin, fit vers moi quelques pas, relevant son visage et je le vis plein de sourire. Éclairé par son regard, tout me parut soudain de nouveau simple, aisé, de sorte que, sans effort et d’une voix non changée, je commençai :

— C’est ta lettre qui m’a fait revenir.

— Je m’en suis bien doutée, dit-elle, puis, émoussant par l’inflexion de sa voix l’aiguillon de sa réprimande : — et c’est bien là ce qui me fâche. Pourquoi as-tu mal pris ce que je disais ? c’était pourtant bien simple…

(Et déjà tristesse et difficulté ne m’apparaissaient plus en effet qu’imaginaires, n’existaient plus qu’en mon esprit). Nous étions