Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/9

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I


D’autres en auraient pu faire un livre ; mais l’histoire que je raconte ici, j’ai mis toute ma force à la vivre et ma vertu s’y est usée. J’écrirai donc très simplement mes souvenirs, et, s’ils sont en lambeaux par endroits, je n’aurai recours à aucune invention pour les rapiécer ou les joindre ; l’effort que j’apporterais à leur apprêt gênerait le dernier plaisir que j’espère trouver à les dire.


Je n’avais pas douze ans lorsque je perdis mon père. Ma mère, que plus rien ne retenait au Havre où mon père avait été médecin, décida de venir habiter Paris, estimant que j’y finirais mieux mes études. Elle loua,