Page:Gide - Le Journal des Faux-monnayeurs 1926.djvu/130

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et qui précipite tant d'artistes dans l'absurde par grande crainte d'être soupçonnés de pouvoir ressembler à quelqu'un.

2º ma réponse,

3° la référence de Saint-Simon[1]

  1. Tout bien considéré, je crois inutile de reproduire ici ledit passage, que les curieux pourront aller rechercher dans les Mémoires. Il est trop long, et malgré ce qu'en pense mon impétueuse correspondante, la ressemblance de Monsieur le Prince, fils du grand Condé, avec mon vieux La Pérouse, reste épisodique et de médiocre importance. Elle se résume en ceci que l'un comme l'autre, dans les derniers temps de sa vie, se considérait et demandait qu'on le considérât comme mort. On ne put soigner Monsieur le Prince, nous apprend Saint-Simon, qu'en se prêtant à sa manie, qui fut poussée jusqu'à l'absurde. Le sentiment de l'irréalité de ce qui nous entoure, ou, si l'on préfère, la perte du sentiment de la réalité, n'est pas si rare que certains n'aient pu l'observer, ou l'éprouver momentanément par eux-mêmes. J'avoue que je suis assez sujet à cette singulière illusion, juste assez pour pouvoir imaginer fort bien ce qu'elle peut devenir si l'on y cède avec complaisance, ou lorsque les facultés de redressement s'affaiblissent, comme dans les deux cas où j'ai pu l'observer d'assez près sur autrui : celui auquel ma lettre fait allusion, et un autre plus bizarre dont je me propose de parler un jour.