Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/177

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lieux; j'y viens souvent; tous les jardiniers me connaissent; ils m'ouvrent les enclos réservés et me croient un homme de science parce que, près des bassins, je m'assieds. Grâce à des surveillances continuelles ces bassins ne sont pas soignés; de l'eau coulant sans bruit les alimente. I1 y pousse les plantes qu'on y laisse pousser; il y nage beaucoup d'insectes. Je m'occupe à les regarder; c'est même un peu cela qui m'a donné l'idée d'écrire Paludes; le sentiment d'une inutile contemplation, l'émotion que j'ai devant les délicates choses grises. - Ce jour-là j'écrivis pour Tityre :

- Entre tous, les grands paysages plats m'attirent, - les landes monotones, - et j'aurais fait de longs voyages pour trouver des pays d'étangs, mais j'en trouve ici qui m'entourent. - Ne croyez pas à cela que je sois triste; je ne suis même pas mélancolique; je suis Tityre et solitaire et f aime un paysage ainsi qu'un livre qui ne me distrait pas de ma pensée. Car elle est triste, ma pensée; elle est sérieuse, et, même près des autres, morose; je l'aime plus que tout, et c'est parce que je l'y promène que je cherche surtout les plaines,